Remise en selle en direction de la capitale, Addis Abeba, 750 km en vue. Couverts de boutons dus aux trop nombreuses puces de lit, c'est en se grattant que l'on se remet dans le rythme des denivelees. Presque surpris, elles se moderent mais se rallongent. Je prefere. Les paysages sont plaisants, la verdure prend place, les massifs montagneux aussi, les rivieres se succedent et fait marquant, on encaisse nos premieres pluies. 2 mois sans voir la moindre goutte ni nuage, on s'en rejouirait presque.
On tente un camping, pas sauvage malheureusement, on cherche le compromis. ONG, voila la solution, toujours de beaux batiments et espaces de verdures legerement a l'ecart des villages, barriere cloturee et surtout un garde arme faisant le guet nocturne, ca rassure. Dans notre palace de toile, les puces ne sont pas reines.
Bahir Dar loge au bord du lac Tana et son marche bien local nous accueille a coup de jus de mangue-avocat trop bon, Debre Markos perche sur les hauteurs a quelque 2'500 m d'altitude a coup d'orage violent, on taille la route, Addis est en vue, seul obstacle a franchir, la Blue Nile Gorge: plongeon de 1'500 m de denivelee negative ... suivie de la meme somme de denivelee cette fois-ci positive, pour remonter sur la rive opposee. Et quelle ambiance? YouYou, level 2-3-4...
Les jours precedents, ce n'etait que mots, les enfants aux paroles agressives, ok, j'etais preparee: YouYou, Money, Money! Dorenavant, le niveau 2 s'accompagne d'un jet de pierre, timide encore, juste histoire de demontrer la non-bienvenue si je n'ouvre pas mon porte-monnaie. Le niveau 3, un coup de baton dans les roues, une poussee laterale, bref, un coup malsain a l'image des habitants de ce pays. Et le niveau 4? je l'attends pour demain!
En bref, tout se passe dans le mental pour ne pas devenir dingo. Une bonne seance de meditation en place du petit dej', voila qui aide pour les premieres heures de velo. Ok, je connais l'esprit du coin dorenavant, j'ai appris a anticiper les mesquineries de ces plus ou moins juniors. Jamais ils ne me lanceront de pierre de face, toujours dans le dos, seraient-ils un brin laches? Pour les heures de mi-journee, lorsque la fatigue fait son apparition, la baguette magique fait son effet. Moi aussi, je suis dorenavant "du bout de bois magique" que tout Ethiopien du plus jeune au plus age se trimbalent avec. Le mien, je l'ai choisi court, juste de la largeur de mon guidon, bien souple, donc fouettant. Ca y est, je suis armee tel Zorro, prete a degainer si besoin, plus par idee d'intimidation que de pure utilite.
Et les fins de journees, en pleine cote, bien crevee, 20 enfants de tous les cotes, hurlants des paroles pas gentilles du tout, s'accrochant a mon porte-bagages, que faire? L'envie de m'arreter, de hurler, d'en saisir un et de le fracasser me traverse l'esprit regulierement!
Mais non! L'effet Joseba prend place: il se laisse couler a ma hauteur, je passe en tete et c'est a lui maintenant de manoeuvrer avec ces demons (partie remise, on avait la meme strategie pour les chiens du Tibet, j'avais le mauvais role). Le premier ne risque rien, les represailles du second effrayant les kids. Pourquoi les parents ne bronchent-ils pas face a de tels comportements, que dis-je, pourquoi encourragent-ils leur progeniture dans cette attitude? Provocateurs, malhonnetes, irrespectueux, lamentables, pathetiques, ... la pauvrete ok, mais ca n'excuse pas tout!